Les traînées de condensation qui s’étirent derrière les avions à réaction accentuent le réchauffement climatique de façon importante – probablement davantage que le carburant brûlé pour faire voler les appareils. On le savait depuis quelques années, mais une synthèse très complète sur les contrails (contraction de l’anglais condensation trails), parue cette semaine dans la revue Nature Communications, rappelle le constat. Cette publication fait aussi le point sur quelques solutions envisageables.
A l’heure actuelle, l’aviation est responsable de 4 % du « forçage radiatif anthropogénique », c’est-à-dire du déséquilibre d’origine humaine entre l’énergie entrante et sortante dans l’atmosphère terrestre. Ce pourcentage se partage entre les nuages générés par les avions et le CO2 issu des réacteurs.
« C’est environ moitié-moitié, ou peut-être même un peu plus pour les nuages, indique Bernd Kärcher, auteur de l’étude et physicien au Centre allemand pour l’aéronautique et l’astronautique (DLR). Il est important de remarquer que le CO2 persiste beaucoup plus longtemps dans l’atmosphère que les nuages produits par les avions. Empêcher la formation de ces nuages pourrait donc constituer une solution rapide pour ralentir le changement climatique, et nous donner un peu de temps pour arriver à réduire les émissions de CO2. »
Microscopiques cristaux de glace
Ces conclusions tombent la même semaine que la publication, dans Nature Climate Change, d’une étude affirmant que les émissions de gaz à effet de serre causées par le tourisme, dont le transport aérien constitue une large part, sont passées en quatre ans, entre 2009 et 2013, de 3,9 à 4,5 milliards de tonnes équivalents de CO2. Pour juger de l’impact réel sur le climat, il faut cependant ajouter l’effet des nuages produits par l’aviation, exclus de l’analyse.
Comme tous les nuages, les traînées de condensation – ou cirrus homogenitus, le nom que leur a donné en 2017 l’Organisation météorologique mondiale – naissent quand de la vapeur d’eau se condense sur de fines particules en suspension dans l’air.
Les réacteurs d’avion facilitent le phénomène en rejetant des poussières de suie dans un environnement autrement dépourvu de particules. De la vapeur d’eau provenant du réacteur s’agglutine sur les poussières pour former des gouttelettes. Plus loin dans le sillage de l’appareil, où le souffle du moteur s’est refroidi, les gouttelettes gèlent et forment de microscopiques cristaux de glace. Dans les minutes et les heures qui suivent, l’humidité naturellement présente dans l’air fait croître les cristaux et en décuple la taille.
Sous certaines conditions, les traînées de condensation peuvent subsister dans l’atmosphère pendant des heures. Certaines perdront leur forme longiligne et deviendront alors des cirrus, ces nuages rappelant les cheveux d’ange qu’on voit très haut dans le ciel. Presque transparents, les cirrus absorbent tout de même une partie de la radiation provenant de la Terre et la réémettent vers le sol. Les rayons du Soleil, eux, traversent les cirrus sans trop de mal. L’effet net est donc un réchauffement de la température de surface, contrairement aux nuages plus bas, opaques et blancs, qui la diminuent.
« Voler plus haut »
La multiplicité des variables impliquées a beau compliquer la tâche des scientifiques qui veulent comprendre comment les avions génèrent des nuages, elle leur offre aussi beaucoup de pistes pour réduire leur impact délétère sur le climat.
Parmi les solutions à court terme, Bernd Kärcher pense aux combustibles synthétiques, dérivés du charbon, du gaz naturel ou de la biomasse, ou encore aux biocarburants, dont la combustion entraîne l’émission de beaucoup moins de particules dans l’air que le kérosène. L’hydrogène liquide ou le gaz naturel liquéfié représentent également des options prometteuses, mais plus difficile à mettre en place car elles nécessitent d’autres types de moteur. Les avions électriques régleraient évidemment aussi le problème, mais demeurent pour l’instant un « rêve lointain », selon Bernd Kärcher.
De même, un détournement du trafic aérien pourrait réduire la formation de nuages produits par l’aviation. « Voler plus haut, où l’air est froid et sec, pourrait réduire la formation de traînées », précise Bernd Kärcher. Toutefois, les trajets actuellement empruntés minimisent les temps de vol et les coûts, et les compagnies aériennes seront réticentes à les modifier, estime le scientifique.
Avant toute action, une plus grande reconnaissance du problème sera essentielle. Dans son article de synthèse, Bernd Kärcher note que l’Organisation de l’aviation civile internationale a adopté en 2016 un plan de compensation et de réduction des émissions de carbone dans le but de réduire son impact sur le changement climatique, mais qu’elle n’y considère pas les nuages générés par l’aviation, qui constituent pourtant la moitié du problème.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/climat/.
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