Le Parlement européen a voté mercredi en faveur d’un « verdissement » de la politique agricole commune.
C’est un long bras de fer qui s’achève avec le vote du Parlement européen en séance plénière, mercredi 14 juin, au détriment d’une agriculture entièrement dépendante des produits phytosanitaires. Entre les représentants de l’agriculture intensive et les défenseurs de l’environnement, la biodiversité s’est imposée dans l’hémicycle de Strasbourg.
En 2013, dans le cadre de la réforme destinée entre autres à « verdir » la politique agricole commune (PAC), il avait été décidé de créer des « surfaces d’intérêt écologique » (SIE), c’est-à-dire des parcelles pour lesquelles les agriculteurs reçoivent des crédits à condition de les préserver. L’idée est de créer des sortes de refuge de biodiversité, des espaces naturels ou semi-naturels dans un paysage d’agriculture intensive.
Depuis, cette initiative a donné à d’incessantes passes d’armes, y compris au sein du Parlement européen lui-même. Mercredi, les députés ont rejeté le veto de la commission parlementaire de l’agriculture et du développement durable, qui s’opposait à l’interdiction des pesticides sur les SIE. Les deux eurodéputés conservateurs Albert Dess (PPE, Allemagne) et John Stuart Agnew (ELDD, Royaume-Uni) avaient réussi en mai à bloquer la proposition de Bruxelles proposant de restreindre l’usage des pesticides chimiques dans ces zones protégées, qui incluent souvent des bordures de champs, terres en jachère, bandes tampons, haies et bosquets, riches en biodiversité.
« Première fois »
Avec la réforme de 2013, selon la nouvelle PAC, tout exploitant qui demande un paiement direct des aides agricoles de l’UE et qui possède plus de 15 hectares de terres arables doit déclarer et protéger 5 % de ses surfaces pour sauvegarder et améliorer la biodiversité. Il doit laisser des bandes de terre en jachère ou les végétaliser avec des plantes qui fixent l’azote, et, dorénavant, préserver ces parcelles de tout épandage de pesticides.
L’enjeu est de taille pour les exploitants : ce « paiement vert » représente 30 % des aides directes de la PAC. « C’est la première fois que l’Union européenne vote un dispositif contraignant pour évoluer vers une agriculture sans pesticides », se félicite Pascal Canfin, le directeur général du WWF France.
« Alors que les surfaces d’intérêt écologique ont été conçues pour offrir des refuges à toutes les espèces qui aident les agriculteurs, l’épandage des pesticides y était autorisé. Elles ne pouvaient alors remplir leur rôle ; nous nous félicitons que cela change », approuve de son côté Carmen Etcheverry, chargée de mission à France nature environnement (FNE).
Le vote du Parlement européen n’est au contraire pas du goût de la Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux (FOP), qui parle d’une « décision inique ». Ses porte-parole dénoncent un choix « incohérent », car retirer jusqu’à 5 % des terres arables aux producteurs risque de freiner le développement de la filière des légumineuses productives « au nom de la protection de l’environnement ». Or l’élevage européen en a besoin, car il est encore dépendant des protéines végétales produites sur le continent américain.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la réforme de la PAC incitait à élargir la production de légumineuses sur les territoires des Vingt-sept. En réponse, l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen a estimé que la question de l’indépendance en protéines végétales ne peut être réglée à l’occasion du débat sur les SIE, et fera l’objet d’un rapport de l’eurodéputé français Jean-Paul Denanot (S&D).
« Agriculture écologiquement rationnelle »
La PAC absorbe 38 % du budget européen. L’application de cette réforme restreignant le recours aux pesticides est le témoignage d’un fort engagement de la part de Bruxelles en faveur de l’environnement. Pour le directeur de la politique agricole de Greenpeace, Marco Contiero, il s’agit d’un vote prometteur : « La décision du Parlement européen ne sera pas la dernière dans la lutte pour une agriculture écologiquement rationnelle qui soutient les personnes, les animaux et la planète. »
Les ONG environnementales espéraient des mesures plus fortes de la part du Parlement. Le WWF regrette que la réforme finale de la PAC ait abaissé de 7 à 5 % la surface de SIE prévue dans chaque exploitation. « Des pourcentages par-ci par-là, ce n’est pas suffisant et ce n’est pas notre objectif final », commente Pascal Canfin.
Les ONG sont très mobilisées sur la question des pesticides, qui touche de plus en plus les citoyens. Le 3 mai, à l’occasion de la dernière consultation sur la PAC, 258 000 Européens et 600 associations et entreprises ont signé pour soutenir la campagne Living Land, une opération lancée par le WWF, Birdlife Europe et le Bureau européen de l’environnement pour réclamer un modèle agricole plus sain et durable.
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