Dans sa politique d’économies tous azimuts, le Département du Nord supprime près de 10 % de ses dessertes sur son réseau Arc en ciel. Critère ? Les bus qui transportent en moyenne moins de cinq voyageurs. Cette décision est-elle simplement logique ou porte-t-elle un coup au service public ?
Les bus Arc en ciel desservent jusqu’au fin fond des Flandres, du Cambrésis, de l’Avesnois. Utilisés par des Nordistes qui se rendent au travail, en ville, à l’hôpital, chez des amis. Un pur service public : il coûte 75 à 77 millions d’euros par an au Département et, même si prendre ces bus n’est pas gratuit, les recettes (les tickets) ne dépassent pas 3 M€, indique Arnaud Decagny (UDI), vice-président aux transports de la collectivité.
Aucune suppression d’emplois
Dans un souci d’économie martelé depuis son arrivée en mars 2015, la nouvelle majorité s’attaque aux bus vides ou quasi. Étude à l’appui, elle a supprimé un peu moins d’une course sur dix : 293 sur 3 351 si on prend pour référence un mardi normal. Critère ? Suppression des bus fréquentés par cinq voyageurs ou moins. « Nous n’avons pas supprimé de lignes, précise M. Decagny. Mais des horaires, souvent dans l’après-midi ou en milieu de matinée, en privilégiant ceux du matin, et du soir. Nous garantissons que tous les villages soient desservis. Et ça n’entraîne aucune suppression d’emplois. »
Autre argument : 293 courses en moins, cela ne représente que 821 voyages (ou tickets compostés) sur 68 604 quotidiens. Or, l’économie est de 6 M€ par an. Sans compter une « économie » importante en terme de pollution, pointe opportunément Jean-René Lecerf, le président DVD du département.
Une vingtaine de réclamations
Des usagers râlent. À Fourmies, un demandeur d’emploi a lancé une pétition. Le conseiller départemental et maire socialiste d’Hornaing l’affirme : « J’ai pas mal de retour de gens dans ma commune qui sont furax. » Jean-René Lecerf réplique que les réclamations sont rares (une vingtaine). Il se dit ouvert à trouver d’autres solutions, comme pour ces quatre personnes qui prenaient un bus pour aller une fois par semaine au marché d’Hondschoote. Quitte à leur payer le taxi. Ce qui, dans le cadre actuel, n’est pas possible.
Son prédécesseur, le socialiste Didier Manier, monte au créneau : « Ce n’est pas après, c’est avant qu’il aurait fallu réfléchir à des solutions, comme nous avions commencé à le faire : covoiturage, transport à la demande... » Le communiste Charles Beauchamp dénonce la démarche de pure et simple économie. « Il faut une réflexion plus globale sur les transports. » Tous deux insistent : « Cela s’ajoute à la décision de cette majorité de revenir sur la gratuité du transport scolaire ! » Ensemble, ils invoquent le service public sans toutefois défendre que des bus puissent circuler à vide.
Le casse-tête de la compétence transport continue…
Les départements sont à l’heure des choix en matière de transports en commun. Des choix qui peuvent être guidés par le souci de réaliser quelques économies, comme pour le cas des lignes Arc en ciel dans le Nord, ou encore sur la question du transport des collégiens. On s’en souvient, au printemps, le conseil départemental du Nord décidait de cesser de financer la gratuité d’un aller-retour par jour pour les élèves des secteurs urbains vivant à plus de 3 km de leur établissement. Le Département du Nord le justifiait en disant que le transport urbain est de la compétence des agglomérations, le Nord conservant le transport périurbain et rural. Certaines agglos ont pris le relais de la gratuité, mais d’autres pas comme celles de Lille ou de Douai. Économie attendue pour le Département : 4,6 millions d’euros.
Dans le Pas-de-Calais, la compétence transport urbain des collégiens a été rétrocédée en 2004, mais les agglos ont pris en charge la gratuité. Résultat : à l’inégalité entre « collégiens des villes » et « collégiens des champs » s’ajoute, de fait, une inégalité entre collégiens du Nord et collégiens du Pas-de-Calais.
Et ça devrait se compliquer encore davantage à l’occasion de la mise en œuvre de la loi NOTRe qui ouvre la possibilité d’une nouvelle répartition des compétences, en confiant notamment les transports à la Région, mais en prévoyant aussi que les Départements qui le souhaitent pourraient les garder. Ce que souhaite le Nord, mais pas le Pas-de-Calais. Autrement dit, la route vers une politique unifiée et une tarification régionale harmonisée en matière de transports en commun, est encore longue.
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