Ouf, l'été. Tout bientôt, les vacances ! Et le journaliste architecture, déjà les tongs aux pieds, se ronge soudain de remords. Il n'a rien dit ces derniers mois des absurdes grands projets inutiles (GPI) aujourd'hui à l'étude et qui, si les gens qui nous gouvernent n'ouvrent pas les yeux au plus vite sur leurs monumentales erreurs, vont bientôt détruire le paysage et replonger nos enfants pour longtemps en plein XXe siècle. Mauvaise pioche !
D'abord Notre Dame des Landes, soit la disparition sous le béton de l'aérogare (dessinée par l'architecte Jacques Ferrier qui refuse mordicus d'aborder le sujet), des pistes et parkings de 1 000 hectares de bocages et de zones humides particulièrement bien conservés du fait même que ces terrains sont « gelés » depuis les années 1960 par le département, qui voulait déjà un aéroport pour le Concorde… On sait ce qu'il advint de ce bel oiseau absurdement consommateur de kérosène.
On peut se demander aujourd'hui s'il est bien raisonnable de dépenser 560 millions d'euros (sommes annoncées qui devraient largement gonfler, hors infrastructures routières et frais de sécurité) et confier, via un partenariat public-privé (PPP) hors de prix, les clés du bidule à Vinci pendant une cinquantaine d'années pour que nos petits-enfants du Grand Ouest aillent bronzer à Ténérife ?
Certes, les électeurs de Loire-Atlantique ont, le 26 juin dernier, plébiscité ce projet d'aéroport à 55,17 %, mais le vote du Brexit nous a définitivement montré que le principe réducteur « oui/non » du référundum était un fusil à un coup qui permettait aux pas-contents de dézinguer à tout-va sans se préoccuper du fond de la question. « Oh, Marie-Françoise, il y en a vraiment marre de ces zadistes mal coiffés ! »
Et EuropaCity, alors ?!! Avec ce projet de centre commercial ludique et culturel (sic) porté par Auchan et dessiné par le jeune et fougueux et très médiatique starchitecte danois Bjark Ingels (BIG) dont on pensait autrefois du bien, sur 80 hectares de belles terres à blé du Triangle de Gonesse, on touche au scandale absolu. Ce nouveau temple du consumérisme ressemble à une mauvaise blague, alors qu'à 3 kilomètres de là, le méga centre commercial Aéroville, livré en 2013 par l'architecte Philippe Chiambaretta pour le groupe Unibail-Rodamco, bat déjà de l'aile.
Le plus ridicule, le plus désespérant, c'est que pour attirer le chaland, le promoteur envisage même une piste de ski in-door, et, côté peinture verte (green washing), une ferme pédagogique sur le toit. Bio, évidemment. Et ça passe ! Nos élus quasi unanimes s'en réjouissent même : le conseil d'administration de l'établissement public administratif (EPA) Plaine de France vient d'approuver le 29 juin dernier la création de la ZAC au prétexte que l'opération créerait à terme quelques 11 000 emplois. Mais, ce qu'ils oublient, c'est qu'il en détruirait quelques 8 800 dans les alentours et assécherait encore plus les centres bourgs…
Last but not least, le projet de reconstruction de l'incinérateur d'ordures ménagères Ivry-Paris-XIII pour 1,8 milliard d'euros sur vingt-cinq ans, porté par le groupe Suez pour le compte du Syctom, piétine allègrement les résolutions du Grenelle de l'environnement et les engagements de la COP 21. Alors que toutes les études prouvent que, avec un peu d'incitation au tri, le volume de nos ordures résiduelles peut radicalement baisser, ces messieurs (il n'y a que des hommes sur la photo) prévoient de nous reconstruire deux fours qui s'avéreront très vite surdimensionnés.
Deux options s'ouvriront alors : soit importer des ordures ou de la biomasse venues d'ailleurs pour continuer à alimenter la bête qui fournit en vapeur le réseau de chauffage urbain, soit… ne pas encourager les gens à trier, car comme ça, les volumes de nos poubelles ne baisseront pas. La nouvelle usine (AIA architectes), qui n'aura pas de cheminée mais du gazon sur le toit, pourra continuer à recracher du CO2 et des particules fines sous le nez même des nouveaux habitants des tours Duo de Jean Nouvel bientôt dressées à une encablure à peine.
L'enquête publique sur la pertinence de ce projet se termine le 19 juillet. N'hésitons pas à leur rappeler que brûler des ressources non renouvelables (les plastiques) est une solution du siècle dernier. Longuement travaillé par les associations C3R, ZeroWaste et FNE, le plan B'OM (baisse des ordures ménagères) présente une alternative crédible, beaucoup plus respectueuse de l'environnement (et de l'intelligence des citoyens), infiniment moins chère. « Mais ce n'est pas bon pour le PIB, ça, Coco… »
Post-scriptum : il y a aussi les bonnes nouvelles qu'on a oublié de saluer. D'abord, après bien des allers-retours, coups de théâtre, rétropédalages, a fini par être adoptée, et même publiée au Journal officiel le 8 juillet, la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine – à la satisfaction soulagée des associations de défense du patrimoine, des professionnels des métiers d'art et surtout des architectes, qui récupèrent la responsabilité du « permis d'aménager » les lotissements et autres entrées de ville. Ils ont intérêts maintenant à montrer qu'ils sont meilleurs que les géomètres jusqu'alors en charge de la mise en pièce du territoire.
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