samedi 21 mai 2016

Rouvroy : quand dans les champs poussent des parkings… Adieu maïs, colza, patates!

Comment s’installer comme agriculteur quand les terres sont si rares que les prix flambent ? Ou quand les agglos exproprient trop facilement ? Ce mercredi, les Jeunes agriculteurs du canton de Béthune-Lens organisaient une action coup de poing à Rouvroy, sur la zone de la Chênaie : ils ont semé du maïs pour dire non au béton.



Sylvain Lafitte a 29 ans. Ce mercredi, au volant de son tracteur, il regardait toutes les étendues en friche autour de la Chênaie avec les yeux de l’amour. "Il y a six ans, quand je me suis installé (à Loos-en-Gohelle), j’avais 30 hectares. Aujourd’hui, il m’en reste 14…" La différence ? Expropriée. "Pour l’hôpital de Lens, la prison de Vendin, de l’habitat… Et qu’on soit d’accord ou pas, c’est pareil, ils exproprient pour utilité publique, on n’a rien à dire !"

Le gâchis du foncier
Ils ? Les communes ou les agglos, comme la CAHC qui il y a 6 ans a bâti la Chênaie (ci-dessous). Thierry Cousyn, secrétaire général des Jeunes agriculteurs du bassin Lens-Béthune : "Aujourd’hui, tout le monde veut sa zone d’activités ou commerciale !" Et les projets se multiplient. "60 hectares de terres agricoles ont été expropriés pour cette zone. Et elle n’est même pas remplie à moitié. Regardez toutes les parcelles clôturées, elles sont incultes. Ça a été surdimensionné. On aurait pu installer un jeune, même plusieurs ici. C’est ce gâchis qu’on dénonce. En moyenne, pour une surface commerciale, 1/5e du terrain exproprié est utilisé, le reste c’est du parking, du paysager…"
Sans retour en arrière possible : pour ces projets, les constructeurs grattent la terre arable pour arriver à la couche argileuse et poser les fondations. "C’est définitif ! Nous, on demande qu’ils remplissent les zones existantes avant d’en créer de nouvelles." Et que les jeunes agriculteurs puissent bénéficier de baux précaires sur ces projets « pour cultiver en attendant que ça construise, ça éviterait de telles étendues inutilisées."

Un bail précaire ? Sylvain Lafitte, l’agriculteur loossois, aurait signé de suite. "Quand je vois tout ça en friche, ça me fait mal… Moi je dois faire du terrassement pour les travaux publics, je fais de l’aménagement paysager, et de la vente directe pour m’en sortir. Si j’avais ne serait-ce que la moitié de ce qu’il y a ici (La Chênaie), ça permettrait de rentabiliser le matériel." Un tracteur ? "Comptez 100 000 € ! Pour exploiter 14 hectares, ça vaut pas le coup." Acheter de nouvelles terres ? "Les terres deviennent si rares que le prix est exorbitant." Sans compter les négociations pour expropriation qui donnent parfois la fièvre à des agriculteurs proches de la retraite. "Ils essaient d’en tirer le maximum, c’est normal, mais à la longue, l’argent ne remplace pas l’outil de travail. Et du coup, pour les jeunes qui veulent s’installer, ça devient impossible." Concrètement ? "Par ici, on est entre 10 000 et 12 000 € l’hectare." Du coup, Sylvain Lafitte est sur un projet d’exploitation… dans le Limousin. "C’est les boules de laisser la région, la famille. Mais là-bas, le prix d’un hectare c’est dix fois moins…" Forcément…

L’emploi, le sujet qui crispe…
Des tracteurs à la Chênaie ? Un bail qu’on n’avait pas vu ça. Ce mercredi, la zone d’activités économiques a renoué avec son passé. Les Jeunes agriculteurs (JA) y ont semé quelques hectares de maïs. L’idée ? Protester contre la disparition du foncier agricole au profit des zones de toutes sortes ou de l’habitat. Pourquoi la Chênaie ? Pour l’exemple, mais le coup de gueule concerne tout le bassin Béthune-Lens. « C’est général à tout ce secteur qui se trouve en zone périurbaine. Toute la grande périphérie de Lille. Ici, tout le monde veut sa zone, ce qui n’est pas le cas en milieu rural. » Le problème ici, c’est que dès qu’il est question d’emploi, les élus se crispent. Les zones économiques ou commerciales porteuses -même qu’un peu- d’emplois, se multiplient. « Attention, nous ne sommes pas contre le développement économique ! Ce qu’on dit, c’est qu’avant de bétonner encore, il faut utiliser ce qu’il y a déjà… On a pu en parler avec le maire de Béthune par exemple, ils ne vont plus faire de nouvelles zones, ils vont plutôt réaménager les vieilles usines qui ferment. Ici, à la CAHC, on a envoyé une lettre en recommandé, on n’a pas eu de réponse… »

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