vendredi 30 mars 2018

« Dieselgate » : 350 000 voitures attendent d’être mises aux normes dans des parkings gigantesques

Aux Etats-Unis, Volkswagen n’en a pas fini avec le scandale du « dieselgate ». Condamné en avril 2017, le constructeur allemand a offert de dépenser 21,4 milliards d’euros pour régler le contentieux. Cette somme comprend le rachat, jusqu’à la fin de 2019, de près de 500 000 véhicules diesel à leurs propriétaires. Pour accueillir les 350 000 véhicules déjà rachetés, Volkswagen utilise 37 parkings dans le pays. Mille trois cents personnes ont été embauchées pour gérer cette campagne de rachat. Certains véhicules sont détruits, mais d’autres doivent être remis aux normes pour être remis sur le marché. En septembre 2015, le groupe mondial de l’automobile avait reconnu avoir équipé 11 millions de ses véhicules diesel vendus après 2009, dont environ 600 000 aux Etats-Unis, d’un logiciel faussant le niveau réel d’émissions de gaz polluants. Le président-directeur général de l’entreprise, Martin Winterkorn, avait été acculé à la démission.

Pourquoi les pesticides sont bien l’une des causes du déclin des oiseaux

Plusieurs publications, dont une chronique sur Europe 1, ont relativisé la responsabilité des pesticides. Quitte à s’arranger grandement avec les faits.


L’information n’est pas passée inaperçue. La semaine dernière, la publication des résultats de deux études sur le déclin de nombreuses espèces d’oiseaux a connu un écho médiatique important (dont la « une » du Monde datée 21 avril). Rapidement, le ministre de la transition écologique, Nicolas Hulot, a une fois de plus appelé à changer les pratiques agricoles pour « inverser la tendance » et réduire l’utilisation de pesticides.

Cette annonce, fruit de deux réseaux d’étude gérés par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et par le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), a cependant soulevé de vives critiques sur le rôle que jouent les pesticides dans ce déclin inquiétant, et notamment dans une chronique de vérification des faits diffusée sur Europe 1, mercredi 28 mars. Mais celles-ci ont commis plusieurs erreurs graves.

CE QUI A ÉTÉ DIT :
« Les chercheurs n’ont pas démontré le lien de causalité avec les pesticides. »

POURQUOI C’EST TROMPEUR
Les travaux de suivi des populations d’oiseaux ne cherchent pas les causes des variations d’abondance de cette faune, il est donc normal qu’ils n’apportent pas directement de « preuves » de la responsabilité des pesticides et de l’agriculture intensive, ni d’ailleurs de tout autre facteur.
Par exemple, une étude épidémiologique relevant la proportion de fumeurs touchés par un cancer du poumon ne permet pas, en elle-même, d’établir un lien de causalité entre la cigarette et la maladie. 
Mais cela ne signifie pas que ce lien de causalité n’existe pas.

De fait, il est très rare qu’une étude unique permette d’établir un lien de causalité entre deux phénomènes : chaque étude documente un fait précis (dans le cas présent, le déclin des oiseaux des champs) et c’est un ensemble d’indices concordants, apportés par une diversité d’autres travaux, qui fondent un éventuel lien de causalité avec un autre phénomène. Affirmer que les pesticides ne sont pas les premiers responsables du déclin des oiseaux parce qu’une étude non destinée à chercher des liens de causalité n’a pas mis en évidence de lien de causalité est une erreur logique.

En revanche, d’autres études établissent un lien fort entre pesticides et déclin de la faune aviaire. Une étude publiée en 2014 dans la revue Nature a montré que la chute des populations d’oiseaux insectivores était bien liée à la concentration d’insecticides néonicotinoïdes dans l’environnement (aux Pays-Bas en l’occurrence). Ce lien est d’ailleurs mis en évidence à des niveaux de contaminations minuscules, de l’ordre de quelques milliardièmes de gramme — ou nanogrammes — de pesticide par litre d’eau de surface prélevée dans l’environnement. « A des concentrations d’imidaclopride [une molécule de la famille des néonicotinoïdes] supérieures à 20 nanogrammes par litre, les populations d’oiseaux ont eu tendance à diminuer de 3,5 % en moyenne par an, écrivent les auteurs. Des analyses complémentaires ont révélé que ce déclin spatial n’est apparu qu’après l’introduction de l’imidaclopride aux Pays-Bas, au milieu des années 1990. »

Des chercheurs de l’Office national de chasse, de la forêt et de la faune sauvage (ONCFS) ont, de leur côté, documenté l’existence d’intoxications directes d’oiseaux granivores, qui meurent de la consommation de semences enrobées de ces pesticides.

Ce ne sont là que deux études parmi les très nombreuses publiées dans la littérature scientifique et montrant que ces nouvelles générations de pesticides, utilisées depuis le milieu des années 1990, ont des effets délétères sur de nombreux compartiments de la biodiversité. Dont les oiseaux, directement ou indirectement.

Les faibles doses de pesticides sans impact ?

CE QUI A ÉTÉ DIT :
« De faibles doses de pesticides ont peu d’impact et ces intrants pèsent trois à quatre fois moins dans le déclin des oiseaux que la modification de leur habitat. »

POURQUOI C’EST FAUX
L’étude sur laquelle s’appuie cette affirmation est celle menée par des chercheurs du Centre d’écologie et de sciences de la conservation, qui a porté sur 199 champs observés dans trois régions françaises. Elle n’a pas suivi ces parcelles sur une « longue période » mais seulement entre 2009 et 2011. Un suivi temporel aussi bref ne permet pas de mesurer les effets sur la biodiversité des changements de pratiques introduits au milieu des années 1990 avec l’introduction de nouvelles générations d’insecticides systémiques.

En outre, la pondération citée (« ces intrants pèsent trois à quatre fois moins dans le déclin des oiseaux que la modification de leur habitat ») est calculée en comparant des exploitations entre elles : c’est une donnée relative qui ne permet pas de mesurer les responsabilités partagées du déclin des oiseaux constaté depuis plusieurs décennies.

Au total, il existe plusieurs centaines d’études publiées dans la littérature scientifique montrant sans ambiguïté les effets délétères des néonicotinoïdes sur des invertébrés non ciblés. Dix-huit chercheurs d’une dizaine de nationalités ont passé en revue l’ensemble de cette littérature et en ont publié, en 2015, une longue synthèse dans la revue Environnemental Science and Pollution Research. Leur conclusion :
« Malgré d’importantes lacunes dans les connaissances et des incertitudes, il existe suffisamment de connaissances pour conclure que les niveaux actuels de pollution par les néonicotinoïdes et le fipronil, résultant des utilisations actuellement autorisées, dépassent souvent les plus faibles concentrations auxquelles des effets nocifs sont observés. Ils sont donc susceptibles d’avoir des impacts biologiques et écologiques négatifs à grande échelle et ce sur une vaste gamme d’invertébrés non ciblés, dans les habitats terrestres, aquatiques, marins et benthiques. »

Dans la même revue, trois autres chercheurs ont publié, la même année, une synthèse de près de cent cinquante études montrant la toxicité directe de ces substances pour les mammifères, les oiseaux, etc.

En ce qui concerne les néonicotinoïdes, les doses utilisées ne sont pas « essentielles ». En effet, ils sont principalement utilisés de manière systématique et préventive, en gainage des semences mises en terre. Or certains d’entre eux, en particulier l’imidaclopride, sont très persistants et s’accumulent d’année en année dans l’environnement. Au point que dans des régions agricoles du Royaume-Uni, les fleurs sauvages sont également contaminées et forment une source d’exposition importante pour les abeilles domestiques, ainsi que l’ont montré des chercheurs britanniques. En outre, ces pesticides sont les plus puissants jamais synthétisés et agissent à très faibles doses : un gramme d’imidaclopride peut tuer autant d’abeilles que 7,3 kilogrammes du célèbre DDT.

« Pourtant, les populations d’oiseaux diminuent aussi en ville »

CE QUI A ÉTÉ DIT :
« Il faut noter qu’en ville, les populations d’oiseau ont aussi baissé d’un tiers. »

POURQUOI C’EST TROMPEUR
L’affirmation sous-entend assez clairement que le rôle des pesticides n’est pas aussi important qu’entendu car des baisses similaires sont enregistrées en ville. Pourtant, la baisse des oiseaux nichant dans le bâti peut être liée à d’autres facteurs. Elle n’est pas l’indice que les pesticides ne seraient pas un déterminant majeur du déclin des oiseaux des champs. C’est là encore une erreur de logique.

De manière générale, les pesticides ne sont certainement pas la seule cause du déclin des oiseaux. 

D’autres paramètres non étudiés ?

CE QUI A ÉTÉ DIT :
« La cause de la disparition des insectes reste mystérieuse, les auteurs de ce constat n’ont pas intégré ni étudié l’effet des pesticides, des changements climatiques ou d’autres facteurs. »

POURQUOI C’EST FAUX
Les travaux d’une équipe internationale de biologistes, publiés en octobre 2017 dans la revue PLoS One, ont au contraire étudié un grand nombre de paramètres (changement du climat au cours du temps, de l’habitat, de l’utilisation des terres). Aucun ne permet d’expliquer le déclin observé des insectes volants en Allemagne — un déclin de 76 % en moins de trois décennies, qui atteint même 80 % au cours des mois d’été.

« Nous montrons que ce déclin est manifeste quel que soit le type d’habitat et que les changements des conditions météorologiques [températures, précipitations et vitesse du vent], l’utilisation des terres et les caractéristiques de l’habitat ne peuvent expliquer ce déclin global », concluent ainsi les chercheurs. Les auteurs n’ayant pas eu accès dans les régions étudiées aux changements d’utilisation de produits phytosanitaires par les agriculteurs, ils n’ont pu corréler le déclin observé aux pesticides. 

Mais leur travail permet d’écarter les principales causes possibles sans lien avec l’agriculture. Les changements de pratique de celle-ci sont donc les causes les plus plausibles car, écrivent-ils, « l’intensification de l’agriculture, incluant la disparition des marges et les nouvelles méthodes de protection des cultures [c’est-à-dire l’enrobage des semences par les nouvelles générations d’insecticides systémiques] est associée à un déclin global de la diversité des plantes, des insectes, des oiseaux et d’autres espèces communes ».

Les auteurs de ces travaux ont d’ailleurs peu de doutes sur l’implication des néonicotinoïdes dans le déclin de la biodiversité en général. « Il faut adopter des restrictions internationales sur l’utilisation des néonicotinoïdes sans attendre et empêcher leur remplacement par des produits tout aussi dangereux », écrivent ainsi des chercheurs ayant participé à cette publication, dans une tribune publiée dans Le Monde.

Nord Nature Chico Mendès vous présente son nouveau site Gestion Différenciée



Après plusieurs mois de travail pour "rafraichir" l'ancien site sur la gestion différenciée nous vous invitons à aller découvrir notre tout nouveau site.

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Retrouver toutes les informations pour y participer sur cette page.

jeudi 29 mars 2018

Les recettes du stationnement en ville, un business ultra-rentable pour... des sociétés privées


L’argent que les automobilistes dépensent pour se garer finit-il dans les caisses des communes ? Dans la plupart des cas, non. Sur le million de places de stationnement réglementées que compte la France, plus de la moitié sont gérées par des entreprises privées, le plus souvent au détriment des finances publiques. Il arrive même que les villes payent pour que les entreprises privées puissent s’enrichir en toute quiétude, voire même augmentent les tarifs de stationnements pour les habitants dans le but de se renflouer. C’est ce que révèle l’ouvrage Services publics délégués au privé : à qui profite le deal ? , d’Isabelle Jarjaille, publié ce mardi 27 mars par les éditions Yves Michel, et dont Basta publie ici un extrait.

Dans certaines villes – quel que soit le tarif payé par l’usager – les recettes du stationnement ne tombent jamais dans les caisses de la ville. C’est le cas par exemple à Béthune, dans le Pas-de-Calais, ou Colombes, dans les Hauts-de-Seine. Dans ces deux villes, des délégations de service public ont été signées avec Q-Park (une société néerlandaise, ndlr), numéro 2 du marché du stationnement en France, qui gère 100 000 places de stationnement dans 70 villes. À Béthune, le contrat passé en 2005, par la majorité socialiste portait sur la construction d’un parking de 362 places sous la Grand-Place, son exploitation ainsi que celle de la totalité du stationnement payant de la ville.

Vive les colibris libres !


Depuis quelques temps Colibris se tourne vers une thématique nouvelle : le numérique ! Il fait partie de nos vies, mais nous nous trouvons parfois face à des pratiques contraires à nos valeurs : marchandisation, collecte et utilisation de nos données personnelles, publicité, concentration des pouvoirs, uniformisation…

Mais heureusement, il existe des alternatives pour sortir de l’hégémonie des géants du web (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft, les fameux GAFAM !) : elles sont libres, éthiques, décentralisées, coopératives et solidaires !

Nous sommes heureux de mettre à votre disposition aujourd’hui deux solutions complémentaires : un parcours découverte "Des outils libres pour vos projets collectifs", qui vous apportera la méthodologie pour prendre en main ces outils, dans le contexte de vos projets ; et une plateforme pour utiliser dès maintenant des outils libres à la place de GoogleDoc, Skype, Doodle, et autres Slack !

En espérant que ces nouveaux projets vous aident et vous soutiennent dans votre organisation, aussi bien personnelle que professionnelle ! 

Vive les colibris libres !

mercredi 28 mars 2018

« Enfouir les déchets nucléaires est la pire des solutions »

Pour le physicien Bernard Laponche, cofondateur de l’association d’experts Global Chance, il faut laisser à la science le temps de trouver une meilleure alternative que le stockage géologique.


Le gouvernement a annoncé un nouveau débat national sur la gestion des déchets radioactifs, en particulier ceux, à haute activité et à vie longue, qu’il est prévu d’enfouir dans un Centre industriel de stockage géologique (Cigéo), à Bure, dans la Meuse. Polytechnicien, docteur ès sciences en physique des réacteurs nucléaires et docteur en économie de l’énergie, ancien directeur général de l’Agence française pour la maîtrise de l’énergie (aujourd’hui Ademe) et cofondateur de l’association de scientifiques Global Chance, Bernard Laponche est l’un des experts les plus reconnus dans son domaine. Il estime que, pour les générations futures, le stockage des déchets radioactifs dans la croûte terrestre est un risque « inacceptable ».

La France a décidé d’enfouir à grande profondeur ses déchets les plus radioactifs. Pour le président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), Pierre-Franck Chevet, c’est « le seul choix responsable ». Pour le ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, « la moins mauvaise solution ». Vous ne partagez pas cet avis. Pourquoi ?

L’opinion générale sur la gestion des déchets radioactifs produits par l’industrie électronucléaire est qu’il n’existe pas de solution satisfaisante. Certains prétendent alors que le projet Cigéo d’enfouissement en profondeur serait la solution la moins mauvaise. En réalité, parce qu’elle est périlleuse, définitive et irréversible, c’est la pire des solutions. En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/

Cuisiner pour mieux résister

Si la génération 68 voyait la cuisine comme une corvée, celles d’aujourd’hui mettent de plus en plus la main à la pâte. Une façon de reprendre le contrôle sur son assiette. Et sur un monde soumis aux diktats industriels.



C'est un petit livre rouge comme Le Guide ­Michelin mais dont la lecture ne met pas franchement l’eau à la bouche. Dans son tout frais Manifeste du bien-manger, loin des miroitements de la haute gastronomie, la journaliste Véronique Richez-Lerouge désosse l’ordinaire un poil moins glamour du mangeur du XXIe siècle. Industrialisation massive, litanie des scandales à répétition (des lasagnes de cheval au lait contaminé à la salmonelle, en passant par les œufs au fipronil), cascade d’études scientifiques épinglant les méfaits des aliments ultra transformés dopés au sucre ou au sel… « En comparaison, la pomme empoisonnée de Blanche-Neige était une friandise », ose la spécialiste de l’agroalimentaire face au tableau accablant de ce festin triste.

Ce énième pavé dans la mare de la malbouffe résume bien l’esprit d’une époque rendue inquiète par ce qu’elle a au bout de la fourchette, et le désir grandissant de rompre avec un système agro-industriel délétère. « L’alimentation est devenue comme une boîte noire, et le consommateur vit avec le sentiment de ne plus savoir d’où vient ce qu’il a dans son assiette, observe le sociologue Thibaut de Saint Pol. Dans ce climat angoissant s’exprime de plus en plus fortement une volonté de reprendre en main son alimentation. »

mardi 27 mars 2018

Charente : un maire prend un arrêté anti-pesticides, la FNSEA s'oppose à la décision

En Charente, le maire de Ruelle-sur-Touvre, près d'Angoulême, a interdit l'épandage de pesticides à moins de 50 mètres des maisons de sa commune après des plaintes des habitants. Une décision qui ne plaît pas à la FNSEA qui a saisi le préfet.


Le maire de Ruelle-sur-Touvre, près d'Angoulême, en Charente, a pris un arrêté, la semaine dernière, pour interdire les pulvérisations de produits phytosanitaires à moins de 50 mètres des habitations. Cette décision ne plaît pas du tout à la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) qui a saisi le préfet pour faire invalider cet arrêté.

Nombreuses plaintes des habitants

"Pour répandre ces produits, les agriculteurs doivent avoir un certificat d'épandage de produits phytosanitaires dans lequel il y a des réglementations très claires et où il est dit que la première maladie due à ces produits-là, c'est la maladie de Parkinson", a expliqué le maire Michel Tricoche. J'ai un ami, qui est exploitant agricole, qui a mon âge et qui en est atteint aujourd'hui."

Le maire de cette commune de 7 200 habitants a voulu interdire la pulvérisation de pesticides après avoir reçu de nombreuses plaintes de la part des habitants de Ruelle-sur-Touvre.

"Ce que j'ai fait là, c'est avant tout pour sensibiliser le monde agricole et les administrés. Ce que je veux c'est que chacun prenne ses responsabilités et que chacun soit conscient que ce produit est très dangereux". Michel Tricoche, maire de Ruelle-sur-Touvre.

De son côté, le syndicat a expliqué avoir fait "de gros efforts de formation" et avoir investi "dans du matériel de précision sur les dosages." Il appartient désormais à la préfecture de Charente de juger de la légalité ou non de cet arrêté.

lundi 26 mars 2018

La déforestation de l’Amérique du Sud nourrit les élevages européens

La monoculture du soja ravage des contrées entières au Brésil, en Argentine et au Paraguay, détruisant dans son expansion la vie des populations autochtones et des écosystèmes.


Ni les images des immenses terres dénudées et fumantes, ni la démesure des millions d’hectares convertis à la culture du soja et à l’élevage ne peuvent à elles seules rendre compte de la dévastation qu’engendre la propagation de l’agriculture industrielle en Amérique du Sud. Des membres de l’ONG Mighty Earth s’y sont donc rendus, parcourant plus de 4 000 kilomètres pour prendre la mesure de la déforestation et de la destruction des écosystèmes en cours dans le Gran Chaco, pour y entendre les habitants aussi.

Dans cette vaste région qui s’étend au nord de l’Argentine, à l’ouest du Paraguay et au Sud de la Bolivie, ils ont recueilli le témoignage des populations autochtones chassées de leurs forêts autrefois impénétrables où vivaient tatous, jaguars et fourmiliers géants. Ils ont pris le temps d’écouter les riverains régulièrement aspergés de glyphosate – l’herbicide largué par avion au-dessus des parcelles géantes de soja génétiquement modifié –, contaminant l’eau et les villages. Catalina Cendra, par exemple : « Je ne pense pas que le soja soit un aliment. Pour moi, c’est une maladie, leur a assuré cette agricultrice du Chaco. La nourriture saine, c’est celle du temps de mes ancêtres : les patates douces, le yucca, les citrouilles. Le soja, c’est pour les gros capitaux, pas pour nous. Ils viennent, ils sèment, ils empoisonnent, ils récoltent et ils s’en vont… » 

jeudi 22 mars 2018

Biodiversité : le cri des experts face au silence des oiseaux



“Le printemps 2018 s’annonce silencieux dans les campagnes françaises”, s’alarment l’ornithologue Grégoire Loïs et ses collègues chercheurs. Le déclin des espèces y est sans précédent. En 2016, “Télérama” avait relaté cette situation inquiétante ; un an et demi plus tard, les nouvelles ne sont pas bonnes.

A lire dans Télérama.

mercredi 21 mars 2018

A Dunkerque, les transports gratuits tracent leur route

Dunkerque va devenir, en septembre, la plus grande ville de France à supprimer le paiement dans le bus. Hausse du pouvoir d’achat, soutien aux personnes isolées, réduction de la pollution… : les bénéfices mis en avant par la municipalité sont nombreux, et le maire promet que les impôts n’augmenteront pas. Un modèle que Paris a annoncé étudier, mais qui a ses détracteurs.


Depuis quelques semaines, Dunkerque (Nord) a une gare routière flambant neuve sous deux longs auvents, à côté des quais de la SNCF. Toute la ville est en chantier. On piétonnise la place Jean-Bart, on redessine les carrefours, on aménage un couloir de bus sur la voie express qui coupait la ville en deux, et qui va devenir un boulevard comme les autres.

Tous ces changements préparent le passage du réseau de transport à la gratuité totale, en septembre prochain, après expérimentation le week-end depuis un peu plus de deux ans. Avec ses deux cent mille habitants, la communauté urbaine de Dunkerque sera la plus grande de France à supprimer tout paiement dans ses bus. Niort, cent vingt mille habitants, l’avait devancée en 2017. Et auparavant, une trentaine de villes, dont Aubagne et Châtellerault.

Le maire de Dunkerque, Patrice Vergriete (divers gauche), ancien directeur de l’agence d’urbanisme élu en 2014, n’y voit que des avantages : « Le premier effet positif de la gratuité, c’est le pouvoir d’achat. On pourrait baisser les impôts, mais cela ne toucherait que la frange des citoyens les plus aisés. Quand vous supprimez le ticket de bus, vous favorisez les familles avec enfants, y compris les plus défavorisées. »


Un accès facilité aux loisirs et à l’emploi
Deuxième bienfait, l’écologie. Reconstruite après la guerre, Dunkerque, calibrée pour l’automobile, est l’une des villes les plus motorisées de France. Plus de 67 % des trajets se font en voiture, contre moins de 5 % en bus — une part en régression. L’ambition n’est pas gigantesque : la porter à 10 %, en attirant surtout les automobilistes qui font l’aller-retour domicile-travail. « Chaque jour à Dunkerque, 400 000 litres de carburant partent en fumée, soit 500 000 euros. Vous gagnez un peu là-dessus, vous réduisez la pollution », souligne Patrice Vergriete.

Le projet veut aussi créer « du lien social ». Dans certains quartiers populaires, comme l’Ile Jeanty ou le Carré de la Vieille, 35 % à 45 % des ménages n’ont pas de voiture. Certains n’ont pas même de quoi se payer un abonnement aux transports de la Ville. Ils pourront accéder plus facilement aux services publics, aux loisirs, voire à l’emploi.


Rien de plus simple en effet. Pas de carte à valider, on embarque librement dans un beau bus tout neuf, bleu, jaune ou vert. Il faut juste continuer à passer par la porte avant pour saluer le chauffeur. « Le week-end, on constate une augmentation sensible de la fréquentation », observe Maxime Huré, maître de conférences en sciences politiques à l’université de Perpignan et président de l’association Vigs (Villes innovantes et gestion des savoirs), chargée d’évaluer l’effet de cette gratuité. Soit, pour être précis, « 27 % de passagers en plus le samedi, et 73 % le dimanche ». Mais comme certaines lignes étaient presque vides, on part de très loin. « Qui dit fréquentation en hausse dit nouveaux usagers, poursuit Maxime Huré. On retrouve dans les bus un public touché jusque-là par l’isolement social, des familles, et aussi des personnes âgées. » Papi et Mamie sont ravis d’emmener leurs petits-enfants à la plage de Malo-les-Bains, ou juste de faire une promenade jusqu’au terminus et retour.

i le résultat est à ce point positif, pourquoi aussi peu de villes font-elles ce choix ? « Parce que, pendant des décennies, les experts urbains ont campé sur des positions dogmatiques, répond Patrice Vergriete. Ils affirmaient que ce qui est gratuit n’a pas de valeur. Ce postulat interdisait toute réflexion. Qui était pour la gratuité était aussitôt qualifié de démago. » Tel est, par exemple, l’avis de la Cour des comptes, dont un rapport de 2014 réclame l’augmentation de la rentabilité des transports par la hausse du prix du billet et le renforcement de la chasse aux fraudeurs. Un point de vue illusoire, pense Maxime Huré : « Tous les réseaux sont déjà largement subventionnés. Il faut sortir du carcan idéologique qui consiste à dire que les transports publics doivent être rentables. »


Une première expérimentation menée en Californie en 1962

La solution n’est pas si neuve. Un philosophe, Jean-Louis Sagot-Duvauroux, la vantait en 1995 dans son livre Pour la gratuité. Aux Etats-Unis, la municipalité de Commerce, en Californie, l’a expérimentée dès 1962. « Le mouvement naît vraiment dans les années 1970, à Seattle, dans l’Etat de Washington, et quelques autres villes, raconte Henri Briche, de l’association Vigs. Le pays commençait à mettre en cause la domination de la voiture. Une loi fédérale de 1974 a débloqué 40 millions de dollars pour mener des expériences alternatives. » En Europe, Rome s’y essaie pendant deux ans, puis Bologne. En France, « on l’a un peu oublié, mais ça fait bien quarante ans que la gratuité fonctionne à Compiègne ».

La belle idée s’essouffle dans les années 1980, victime du manque d’évaluation de ses effets, des restrictions budgétaires et de l’expansionnisme du tout-voiture. Elle réapparaît dans les années 2000, en Belgique et en Allemagne. Aux motivations écologiques s’ajoute le souhait de faire revenir les habitants dans le centre-ville. En 2013, Tallinn, la capitale de l’Estonie, devient, avec ses quatre cent quarante mille habitants, la plus grande métropole au monde à adopter la gratuité pour ses résidents. « Depuis, dit Henri Briche, la Mairie a enregistré vingt deux mille nouvelles domiciliations. Les rentrées fiscales ont largement compensé la perte des recettes commerciales. »


Niort a suivi cette voie car, comme à Dunkerque, le prix du billet ne couvrait plus que 10 % du coût d’un voyage. En redessinant le réseau, on pouvait compenser le manque à gagner causé par la gratuité. Certaines lignes ont donc disparu, ce qui n’a pas plu à tout le monde. Mais aujourd’hui, la fréquentation de la ligne 1, qui traverse l’agglomération niortaise d’ouest en est, « a augmenté de 173 % », et celle des autres lignes « de 29 % », se félicite le maire, Jérôme Baloge (sans étiquette), lui aussi élu en 2014. De nouvelles habitudes se dessinent : prendre le bus à l’heure du déjeuner, par exemple. Ce qui fait du bien aux commerces et aux restaurants du centre-ville, même si « ce n’était pas l’objectif principal ».

Tout cela se met en place « à fiscalité égale ». A Dunkerque aussi, promis. On ne relèvera pas le « versement transport » dû par les entreprises. Il a déjà augmenté en 2011, ce qui a permis d’investir 65 millions dans le réseau, dont la taille va augmenter de près de 40 %. Trente chauffeurs vont être recrutés, et les contrôleurs recyclés en médiateurs. Les coûts de fonctionnement vont donc s’accroître, alors que les recettes baissent. Certains s’en étonnent. « Le débat sur le financement est bizarre, réagit Patrice Vergriete. Quand une ville ouvre une nouvelle piscine, on ne lui demande pas comment elle fait, et pourtant cela coûte bien plus en fonctionnement qu’un réseau de transport. » L’élu assume ses choix politiques : « Mon prédécesseur voulait construire une “arena”, j’ai pensé que Dunkerque n’avait pas besoin d’une salle de dix mille places pour accueillir Rihanna, et j’ai affecté cette somme à la gratuité. »


L’augmentation des « dégradations » est une autre objection souvent avancée. Sans paiement, il n’y aurait plus de respect. On caillasserait plus volontiers les vitres, on lacérerait davantage les sièges. Au contraire, dans les bus gratuits dunkerquois, « le nombre d’actes d’incivilité a baissé de 59 % entre 2015 et 2017 », observe Henri Briche. « La relation avec les usagers, car ce ne sont plus des clients, s’est même améliorée, confirme Jérôme Baloge. Plusieurs conducteurs me l’ont dit : “Nous n’avons plus la tête et le regard dans le porte-monnaie.” »

Que des élus cherchent à rajeunir l’idée de service public est réjouissant. Et c’est bon aussi pour l’image. Les Niortais ont ainsi eu le plaisir de voir leur ville faire les gros titres en 2017. Cet intérêt prouve, dit Jérôme Baloge, que « le libre accès au transport collectif est une approche moderne et séduisante ». « Je suis d’accord avec le maire de Niort, renchérit Patrice Vergriete, montrant la photo par satellite de la vaste agglomération dunkerquoise accrochée au mur de son bureau. Rendre tous les points que vous voyez accessibles facilement, c’est quand même quelque chose ! En anglais, gratuit se traduit par free, qui veut aussi dire libre. Alors Dunkerque va devenir une ville libre. »

Télérama 20/03/2018

Très chère Ile-de-France

Au moment où Anne Hidalgo, la maire de Paris, s’empare du dossier, la gratuité reste hors de question pour Ile-de-France Mobilités, ex-Stif, Syndicat des transports d’Ile-de-France, qui affirme n’avoir mené aucune étude sur le sujet. Pourquoi y songer, puisque la fréquentation des bus, métros, RER ou tramways augmente de 1 % par an ? Tickets et carte Navigo représentent 27 % des recettes : les supprimer serait un choix politique risqué. Et puis la Région a besoin d’argent pour rénover un réseau longtemps délaissé et financer le métro du Grand Paris. Les insupportables tourniquets de contrôle qui bloquent les poussettes ne sont donc pas près de disparaître. Valérie Pécresse, présidente du conseil régional, a même supprimé la gratuité en cas de pic de pollution. Pendant ce temps, en Allemagne, certaines villes moyennes étudient le choix inverse, qui éviterait à leur pays d’être condamné par la justice européenne pour inaction face à la dégradation de la qualité de l’air…

lundi 19 mars 2018

A Brest, une ferme bio grignotée par un écoquartier

http://www.liberation.fr/futurs/2017/07/20/a-brest-une-ferme-bio-grignotee-par-un-ecoquartier_1585166

http://lafermedetraonbihan.fr/

Ferme de quartier Dutemple

L’association Les Agri-urbains du Hainaut a ouvert, en 2017, sur le quartier de Dutemple à Valenciennes, une ferme urbaine. Celle-ci est coconstruite et co-gérée avec les habitants.


La ferme a pour premier objectif de fournir aux habitants des quartiers une alimentation saine produite avec zéro produit phytosanitaire.
Son second objectif est la formation professionnelle et la création d’emploi.
Son troisième objectif est d’initier ou de former aux techniques de culture agroécologique, à la connaissance des plantes, à la nutri santé.


Afin de développer le projet, l’association a lancé une campagne de financement participatif. Si nous obtenons le financement plancher, Eiffage abondera le financement obtenu.


Vous pourrez retrouver les informations de la ferme sur Facebook (page Ferme de quartier Dutemple) et de l’association (page Les Agri-urbains du Hainaut).

vendredi 16 mars 2018

TRIBUNE – Réinventons le droit à la ville

Fabriquer la ville ne devrait pas être réservé aux seules élites. A travers l’exemple des jardins urbains, l’anthropologue Damien Deville appelle les citadins à actualiser un concept-phare de la sociologie urbaine : le «droit à la ville.» Un article initialement paru sur le site The Conversation, que Mediacités reproduit ici.


Face aux enjeux contemporains de crises écologique et sociale, le concept de « droit à la ville », hérité des décennies passées, apparaît de nouveau comme un concept d’une grande pertinence. Bien qu’il ait connu un fort succès académique, ce droit à la ville a peu influencé les mondes civils et politiques.

Précédemment focalisé sur des mouvements extraordinaires, et par extension éphémères, un nouveau droit à la ville peut aujourd’hui s’inventer. Cette invention passe par la valorisation et la mise en politique des actes citoyens ordinaires, processus cachés qui renouvellent pourtant, de manière permanente, l’intimité des sociétés.

Donner une place centrale aux habitants

Créé à la fin des années 1960 par Henri Lefebvre, le droit à la ville a pour ambition de donner une grande importance au corps social dans les processus de création de l’urbain. Le philosophe avance l’idée que fabriquer la ville ne doit pas être réservé aux élites : intégrer les citoyens aux processus de construction de la ville devient fondamental pour exercer l’égalité et la liberté d’agir. Il propose alors deux éléments essentiels à inclure dans les politiques urbaines : l’appropriation et la participation.

L’appropriation a pour objectif d’offrir la possibilité aux populations d’occuper l’espace urbain à des fins de partage et de créativité. Elle doit se manifester par une démarche globale pour penser la vie de quartier et la vie en ville. La participation revendique la capacité de chacun à prendre part aux décisions qui façonnent la ville : dans les politiques générales de planification de l’espace urbain, les choix d’investissement des grandes entreprises, les arbitrages dans des stratégies de développement, etc.

Henri Lefebvre insiste sur la nécessité de donner aux habitants une place centrale dans les prises de décisions, demandant parfois de refonder des processus identitaires dans les systèmes d’appartenance à un lieu de vie ou à un collectif. Le controversé droit de vote des étrangers, fixé par le lieu de résidence et non par la nationalité, témoigne de cette vision égalitaire de la participation des citoyens à la vie urbaine.

Depuis sa création, le droit à la ville a beaucoup imprégné les travaux scientifiques : la justice sociale, la justice environnementale et les politiques de solidarité qui ont fait couler beaucoup d’encre ces dernières années, sont autant de thématiques qui en découlent. Néanmoins, quarante ans après sa création, le concept n’a pas réellement réussi à pénétrer le milieu politique.

Extraordinaire mais éphémère

Si certaines communes se dotent de plus en plus de conseils de quartier, de budgets participatifs ou de conseils citoyens, ces initiatives restent de l’ordre du symbole, sont souvent très peu représentatives. Et la ville continue à se fabriquer par des approches fortement descendantes. Ce succès manqué s’explique en partie par le fait que le droit à la ville se définit peu dans la pratique : son essence généraliste et ses contours juridiques aléatoires font de lui un concept difficilement mobilisable

Il a néanmoins fait naître une production intellectuelle et académique riche en enseignements. En appréciant le concept à des formes de protestation exceptionnelles – les émeutes de Seattle en 1999, les manifestations à l’origine des printemps arabes à partir de décembre 2010 ou plus récemment les occupations des places publiques par le mouvement « Nuit debout » –, les penseurs qui ont suivi Henri Lefebvre ont prouvé que des revendications fortes et non violentes pouvaient jouir d’un important retour médiatique.


Ces événements marquants qui ont fédéré des centaines de milliers de personnes se sont également révélés éphémères. Si pendant quelques jours, ils dévoilent l’espoir d’un avenir commun, ils laissent finalement place à un retour routinier du marché capitaliste et des systèmes d’oppression sous-jacents. Le cas des printemps arabes fait figure d’exception : des changements constitutionnels majeurs ont donné suite aux mouvements citoyens.

Mais ces évolutions ont pu se produire uniquement parce que des partis politiques existants ont repris, tout en les déformant, les revendications publiques des manifestants : derrière une écoute apparente des demandes du peuple, les politiciens ne font en fait que parler à sa place.

L’ordinaire pour repenser le droit à la ville

Une question se pose dès lors : comment penser un droit à la ville pertinent sans que la parole des citoyens ne soit reprise et transformée à des fins individuelles ? Au-delà des revendications extraordinaires, nous sommes convaincus que le droit à la ville peut s’inscrire dans une valorisation des pratiques ordinaires.

Derrière les apparences, les gestes quotidiens des citadins sont de magnifiques espaces de création et de résistance : à la sortie du travail, faire un détour par un parc ou une rue que l’on aime ; faire du lèche-vitrine chez les artisans du quartier ; prendre le vélo davantage que le métro ; faire un arrêt non prévu à la terrasse d’un café ; laisser sécher son linge entre deux fenêtres ; décorer son balcon avec un olivier ; discuter avec son voisin…

Tous ces gestes, si ordinaires soient-ils, façonnent la ville, lui donnent une odeur et une couleur, réinventent sans cesse la danse de ses habitants et les formes de son intimité. Ils créent de nouveaux espaces de solidarité. Dans son livre maître L’invention du quotidien (1990), l’historien et sociologue Michel de Certeau analysait déjà les actes ordinaires comme une production permanente de culture et de partage.

Selon lui, les citadins ne se contentent pas de consommer : ils produisent et inventent le quotidien par d’innombrables mécanismes de créativité et par des pratiques sociales sans cesse renouvelées. Pour emprunter l’expression de Claude Lévi-Strauss, les citadins « bricolent » avec les espaces qu’ils fréquentent et les contraintes d’un modèle sociétal pour s’inventer un parcours de vie qui participe à leur émancipation.

Cultiver la biodiversité urbaine
Le cas des jardins urbains – particulièrement à la mode en ce moment – est tout à fait intéressant. D’abord, parce que pratiquer une activité agricole en ville constitue une approche d’appropriation de l’espace urbain, chère aux concepteurs du droit à la ville. Les individus utilisent ainsi des friches, des terrains non urbanisables, ou des interstices urbains pour porter leurs projets agricoles.


Ensuite, parce que le jardinage consiste en partie à créer. Créer un espace par la délimitation de sa parcelle, le dessin des différentes planches de culture, la construction éventuelle d’une cabane pour inviter les amis. C’est aussi créer du vivant, créer avec la terre, créer de la biodiversité en ville par les semences choisies, les techniques de travail du sol pratiquées, les formes d’élevage mobilisées. Cette biodiversité retrouvée apporte des avantages à la société qui vont bien au-delà des jardiniers eux-mêmes : le maintien d’espèces, la création de corridors biologiques, la lutte contre l’îlot de chaleur urbain et la pollution urbaine ou encore de nouveaux processus éducatifs pour les personnes de passage.

Enfin, parce qu’un jardin ramène de l’esthétisme dans les milieux urbains de manière plus ou moins réussie, plus ou moins voulue. Cette beauté retrouvée se caractérise par la mise en place de nombreux « symboles » dans les jardins, qui participent à la structuration paysagère de la ville : des plantes d’ornement, des éléments de décoration, des épouvantails faits maison, la revalorisation de nombreux matériaux pour les cultures. Autant d’éléments paysagers qui confèrent une lecture, une histoire et une âme à un quartier.

Une vision du vivre-ensemble

Les personnes qui fréquentent ces jardins ont des profils multiples. Dans les métropoles, ce sont souvent des cadres supérieurs qui ont envie de réinventer leur vie de quartier par un accès pérenne à des lieux de nature. Dans les villes petites et moyennes, ce sont des chômeurs de longue durée, des retraités à petits revenus, ou encore des gens ayant vécu des événements marquants qui ont pu les marginaliser (séjour en prison, décès d’un membre de leur famille, maladies graves, etc.).

Dans les deux cas, il s’agit de personnes subissant les différentes formes d’oppression du système capitaliste et de la conformation sociale des villes néolibérales. Sauf cas exceptionnel, il est rare que les jardiniers – surtout quand ces derniers sont issus de situations de précarité – s’ancrent dans des processus de revendications politiques à l’échelle locale ou nationale. Pourtant, par les échanges qui s’y créent, ces jardins changent le visage d’un quartier et les dynamiques sociales et écologiques d’une ville.

De la terrasse d’un café entre deux réunions, aux planches de culture des jardins urbains, les différentes formes de réappropriation des espaces sont autant d’actes politiques qui traduisent une vision du vivre ensemble. La simplicité apparente de ces actions cache une extraordinaire complexité qui permet de questionner la façon dont les villes sont pensées et créées.

Valoriser ces actes ordinaires, les structurer et les représenter dans des politiques publiques opérationnelles permettrait de remodeler les organes de participation à différentes échelles d’action, et ainsi les rendre davantage représentatives et décisionnaires. Repenser le droit à la ville par l’ordinarité des parcours de vie est une aventure théorique et politique passionnante, ô combien pertinente pour enfin conférer aux processus d’urbanisation un véritable « pouvoir collectif ». Lors de votre prochaine promenade, tendez l’oreille, observez d’un œil discret : les hommes et les femmes politiques sont partout autour de vous.

Damien Deville, Agroécologue et anthropologue de la nature, INRA
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Médiacités 12 mars 2018

mercredi 14 mars 2018

http://www.cerdd.org/layout/set/newsletter/Mediatheque/CERDD/Lettre-d-informations/La-Newsletter-du-Cerdd-Mars-2018

Semaine pour les alternatives aux pesticides


Depuis 13 ans, la Semaine pour les alternatives aux pesticides (SPAP) permet à des centaines d'initiatives d'émerger des territoires afin de sensibiliser tous les publics à l'utilisation des pesticides et leurs impacts sur la biodiversité et notre alimentation.
Cette année, le thème de la SPAP est l’alimentation, thème Bio Consom'acteurs participe chaque année à ce rendez-vous en organisant de nombreux événements.

Une agriculture sans pesticides est possible : ces agriculteurs nous le montrent !


A l’initiative d’Alain Davy, agriculteur autrefois usager de pesticides en tous genres, a été créé dans l’Orne, en Normandie, un CIVAM (Centre d’Initiative pour Valoriser l’Agriculture le Milieu rural). Et parmi ses engagements : ne plus utiliser de pesticides, en particulier le très controversé et redouté glyphosate. L’expérience de certains agriculteurs nous montre que les choses sont possibles autrement.


Témoignage


Un parking transformé en jardin nourricier : le design en permaculture de Myriam et Déborah.

dimanche 11 mars 2018

Chasing ice - Climat en péril : la preuve par l'image

Longtemps climatosceptique, James Balog, éminent photographe du National Geographic, a parcouru pendant plus de trois ans, à pied, en hélicoptère ou en traîneau, les étendues du Groenland, de l'Alaska ou des Rocheuses pour enregistrer jour après jour l'impact du réchauffement climatique : la chute vertigineuse des icebergs et le retrait des glaciers. Ce projet photographique est devenu le combat d'une vie. L'homme n'a eu de cesse d'alerter l'opinion sur la catastrophe à l'oeuvre, apportant par ses images des preuves irréfutables du bouleversement accéléré des paysages.


samedi 10 mars 2018


À la découverte des monnaies locales complémentaires

Que vous soyez néophyte, ou que vous ayez un projet de création de monnaie sur votre territoire, ce parcours est fait pour vous ! C'est gratuit, et c'est dès maintenant, à votre rythme !




Ceci n'est pas une boulangerie

Des boulangères et boulangers bio qui se partagent un fournil, des producteurs locaux qui déposeront leurs produits et des artistes qui créent en étant attentif à l'environnement.... De l'artisanal, du bio, du local et du zéro-déchet.



Toutes les infos ici.

vendredi 9 mars 2018

Pour un plan B écolo et social à la SNCF

Le Collectif des salariés et usagers de la SNCF pour des transports écologistes, sociaux et gratuits propose d'ouvrir un grand débat national sur l'avenir du chemin de fer en France.


Salariés et syndicalistes de la SNCF et usagers de ce service public, mais aussi signataires de l’appel à la convergence antiproductiviste, nous exigeons un grand débat public sur le devenir du chemin de fer. Le statut des cheminots, loin d’être un obstacle à la transition écologique, est la condition du développement d’un grand service public ferroviaire.

La France compte déjà deux fois moins de lignes ferroviaires (30 000 km) qu’à la création de la SNCF (60 000 en comptant les lignes locales). La France est en retard par rapport aux autres pays comparables. Le rail ne représente plus que moins de 10 % des trafics de personnes et de marchandises alors que ce mode de transport est le plus écologiste, le moins dangereux et, potentiellement, le plus juste socialement. Le rail ne représente que 2 % de l’énergie consommée par les transports et 1 % seulement des émissions de gaz à effet de serre.

Au moment où le gouvernement abandonne le projet de Notre-Dame-des-Landes, il est incompréhensible qu’il s’en prenne au chemin de fer !

Nous proposons d’ouvrir un grand débat national autour de dix questions :
1) Le développement prioritaire du fret ferroviaire. La part du ferroutage est passée sous les 10 % en raison des choix politiques favorables aux transports routiers. Nous défendons le transport combiné rail-routes comme nous défendons le transport fluvial et par oléoduc.
2) Le retour au maillage du territoire. Nous exigeons l’abandon du projet de suppression de 9 000 km de lignes, la réouverture des lignes locales abandonnées et la création de nouvelles.
3) L’instauration de la gratuité des transports dans les TER. L’instauration de la gratuité dans les TER, comme dans les transports en commun urbains, est la bonne solution, car les transports collectifs sont le seul choix écologiquement et socialement responsable, car la gratuité est la seule façon de réussir la transition écologique dans l’égalité. L’augmentation constante des tarifs a abouti en effet à écarter les milieux populaires, déjà victimes de la gentrification urbaine, du ferroviaire, TER compris, et à privilégier les milieux aisés.
4 ) L’abandon du système hypercapitaliste de tarifs variables (yield management).
5) Le retour aux trains de nuit contre la grande vitesse. Les pays du Nord de l’Europe comme la Norvège, la Suède mais aussi l’Autriche prouvent le succès de ces trains. Le train de nuit est la meilleure alternative à l’avion. Nous soutenons le réseau européen au train de nuit « Back on Track ». 
6) La démocratisation de la SNCF avec une réelle participation des cheminots et des usagers aux choix d’équipements ferroviaires afin d’avancer vers une société des usagers maîtres de leurs usages. 
7) La priorité absolue aux trains locaux sur les TGV. La SNCF doit être un vecteur de la relocalisation nécessaire. Une rame TGV coûte entre 40 et 50 millions d’euros. Une rame TER coûte entre 1,5 et 15 millions d’euros. Moins de grande vitesse mais plus de ferroviaire.
8) Le retour du TER au ferroviaire contre l’autobus. On compte aujourd’hui 260 lignes de trains et 240 autobus.
9) Le maintien de la SNCF comme établissement public.
10) La défense des droits des salariés de la SNCF et d’ailleurs, contre la division créée par le pouvoir et la majorité des médias. Collectif des salariés et usagers de la SNCF pour des transports écologistes, sociaux et gratuits, avec le soutien de l’Observatoire international de la gratuité (OIG)

Contact : Paul Ariès, revue Les Zindigné(e)s

L'Europe a perdu plus de 400 millions d'oiseaux d'espèces communes en 30 ans

La gestion actuelle de l'environnement apparaît incapable d'enrayer l'hécatombe de nombreuses espèces récemment encore communes, selon une étude d'"Ecology Letters".


C'est une hécatombe : avec 421 millions d'oiseaux de moins en trente ans, la gestion actuelle de l'environnement en Europe apparaît incapable d'enrayer la disparition de nombreuses espèces récemment encore considérées comme communes, révèle une étude publiée, lundi 3 novembre, par le journal scientifique Ecology Letters, qui critique les méthodes modernes d'agriculture et la disparition de l'habitat.

A l'inverse du déclin, allant jusqu'à 90 %, enregistré chez des espèces aussi communes que la perdrix grise, l'alouette des champs, le moineau et l'étourneau, on note pendant la même période l'amélioration des effectifs de certaines espèces rares d'oiseaux grâce à des mesures de conservation, selon l'étude.

« UN AVERTISSEMENT »
« C'est un avertissement qui vaut pour toute la faune européenne. La manière dont nous gérons l'environnement est insoutenable pour nos espèces les plus communes », explique Richard Gregory, de la Société royale pour la protection des oiseaux, qui a codirigé l'étude.

Les scientifiques, qui recommandent l'application rapide de nouveaux schémas agricoles et la mise en place de zones vertes en milieu urbain, ont analysé des données portant sur 144 espèces d'oiseaux de 25 pays européens, collectées en général par des observateurs bénévoles.

Pollution : Anne Hidalgo va dans le bon sens

En insistant pour pérenniser la piétonnisation des berges sur la rive droite de la Seine, la maire de Paris ouvre la voie dans le combat des villes contre la pollution.
Editorial du « Monde » 09.03.2018.

C’est la nouvelle bataille de Paris. Le sujet est à ne surtout pas aborder dans un taxi. L’objet de la querelle ? Ces 3 300 mètres de quais sur la rive droite de la Seine, qui hystérisent la vie parisienne depuis leur fermeture à la circulation automobile, en octobre 2016. Un rassemblement est organisé samedi 10 mars là où Paris Plages déploie ses transats l’été, avec comme cri de ralliement : « Des poussettes contre la pollution ! Non au retour des voitures ! »

Car le vrombissement des moteurs thermiques menace de chasser les promeneurs de ce tronçon de la voie Georges-Pompidou, cette autoroute urbaine traversant la capitale d’ouest en est. Le tribunal administratif de Paris a annulé la fermeture des voies sur berges le 21 février, au motif que l’étude d’impact environnemental comportait « des inexactitudes, des omissions et des insuffisances ».

Cette décision a obligé Anne Hidalgo à prendre un nouvel arrêté, le 8 mars. Pour éviter qu’il soit à son tour rejeté, la Mairie de Paris a soigneusement gommé toute référence à un objectif de réduction de la pollution atmosphérique ou de santé publique, se contentant d’invoquer la valorisation patrimoniale d’un site hautement touristique.

2 500 morts prématurées
Les voies sur berges, au centre de toutes les crispations, ne représentent que 0,16 % du kilométrage francilien. Mais leur fermeture s’inscrit dans une politique plus large de restriction de la place de la voiture dans la cité. Paris n’est pas la première ville du monde, ni de France, à s’attaquer à ce chantier. Bordeaux et Lyon ont achevé il y a bien longtemps leur reconquête des quais de la Garonne et du Rhône.

Mme Hidalgo a voulu aller plus loin, en instaurant les fameuses vignettes Crit’Air pour bannir progressivement les véhicules les plus polluants. D’ici à 2024, année où Paris accueillera les Jeux olympiques, les diesels ne pourront plus y circuler. En 2030, ce sera au tour des voitures à l’essence. Dans ce combat contre la pollution, la maire de Paris n’avance pas à contresens, elle ouvre la voie. Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique et solidaire, veut en finir avec le moteur thermique à l’échelle du pays à l’horizon 2040. Certaines villes d’Allemagne, comme Stuttgart, berceau de Porsche et de Mercedes, envisagent même désormais de barrer leurs rues au diesel.

Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France, a beau critiquer la « méthode autoritaire » de sa rivale politique, Mme Hidalgo a raison de viser les véhicules polluants. Question de santé publique. Un Parisien sur deux est surexposé au dioxyde d’azote, majoritairement émis par le trafic routier. Des dépassements qui concernent également d’autres agglomérations et valent à la France d’être sous la menace d’un renvoi devant la Cour de justice de l’Union européenne. Les rejets de gaz toxiques sont responsables d’environ 48 000 morts prématurées en France chaque année, dont 2 500 à Paris.

Reste tous ces automobilistes désorientés que l’Etat a, pendant des décennies, incités à investir dans le diesel. Les alternatives font encore défaut. Les modèles électriques ou hybrides restent chers. Le changement d’opérateur des vélos en libre-service tourne à l’accident industriel. Les métros et RER sont en surchauffe.

L’Allemagne, qui est aussi dans le collimateur de Bruxelles, envisage la gratuité des transports en commun dans certaines villes. A Paris, cette mesure a déjà été expérimentée lors des pics de pollution. Valérie Pécresse y a mis fin. A la gratuité, pas aux pics.