samedi 21 octobre 2017

Régie de l’eau, autonomie énergétique, zéro déchet : quand villages et villes moyennes montrent la voie

Viser l’autonomie énergétique pour un territoire où vivent 35 000 habitants, réduire la production de déchets d’un tiers en quelques années, remettre la gestion de l’eau au service des usagers : telles sont les dynamiques qui guident des maires, des élus et des citoyens de Briançon et de ses environs, dans les Hautes-Alpes. Objectifs : contribuer très concrètement à la lutte contre le réchauffement climatique et sanctuariser des biens communs hors des logiques de profits et de prédation. Avec un moyen : la constitution de régies publiques, plus transparentes dans leur gestion et moins coûteuses que les multinationales. Cette re-municipalisation est cependant menacée par des lois qui tentent de les freiner. Basta ! est allé à la rencontre de celles et ceux qui, dans ce territoire des Hautes-Alpes, aspirent à un monde plus soutenable.


Une petite canalisation à ciel ouvert longe les pavés de la « Grande gargouille », principale artère de la vieille ville fortifiée de Briançon. Longtemps alimentée par l’eau potable, elle l’est désormais par un canal. « Contrairement à ce qu’on pense, l’eau n’est pas quelque chose d’inépuisable. Avec le changement climatique, les réserves diminuent et il faut préserver la ressource », explique Joël Pruvot, président de la Régie briançonnaise de l’eau et de l’assainissement (RBEA). « Par exemple, toutes les fontaines sont maintenant équipées de bouton poussoir. » Histoire de ne pas gaspiller, même aux pieds des Alpes, dont les glaciers fondent à grande vitesse.

Le passage en régie remonte à l’an 2000. Briançon est l’une des premières villes de France, avec Grenoble, à faire repasser son eau sous gestion publique grâce à la mobilisation citoyenne. L’exemple sera suivi par des dizaines de petites communes et des métropoles comme Paris, Rennes, Nice et Montpellier. La municipalité est alors liée par un contrat de délégation de service public (DSP) à la Saur, filiale de Bouygues à l’époque. Le « bail » de la gestion de l’eau lui avait été cédé pour 30 ans, en 1991. Un collectif de défense des usagers de l’eau mène une grève des factures d’eau et réussit à faire annuler en justice la décision de confier au privé l’eau de la ville. Reste à casser le contrat. Ce qui est fait par la municipalité en 2000, cinq ans après la victoire d’une liste de gauche plurielle. Sur les 10 millions d’indemnités demandés par la Saur, le tribunal lui octroie 3 millions. « Cela montre que si l’on a la volonté politique de se battre, on peut obtenir des choses. »


Mettre fin à des pratiques « douteuses »
Joël Pruvot intègre en 2009, en tant que citoyen, le conseil d’administration de la régie publique. Élu président, il lance un audit et constate un déficit de 600 000 euros. « Trois ans plus tôt, le maire avait décidé de déléguer au privé l’assainissement et de conserver uniquement l’eau en régie municipale. Or l’assainissement était l’activité la plus lucrative de la régie. » Le nouveau président « citoyen » constate des pratiques quelque peu « douteuses ». Une partie de l’argent des factures d’eau servait à sponsoriser l’équipe de hockey locale. Un tractopelle et un chauffeur étaient loués à l’année. Des voitures de fonction inutiles étaient acquises... « Ça partait à vau-l’eau ! Si la gestion publique est une nécessité, ce n’est pas forcément suffisant : tout dépend ensuite de la manière dont c’est géré ! »

La régie est alors elle-aussi assainie : embauche d’un nouveau directeur, révision de contrats trop favorables à des entreprises locales, paiement des prestations non payées, mais surtout, amorce d’un gros travail de réfection des réseaux. « Avec la Saur, aucun aménagement n’avait été fait. À cause des fuites, 50 % des prélèvements d’eau partaient dans la nature. » La régie se voit contrainte d’augmenter le prix de l’eau de 30 % pour financer ces travaux. « Quand on explique qu’en cas de feu, la pression ne sera pas suffisante aux bornes incendies pour l’éteindre, les gens comprennent l’augmentation. » Les usagers en difficulté ne sont pas oubliés : un fonds est alloué au Centre communal d’action sociale pour aider au paiement des factures [1].

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