mardi 23 août 2016

Le bio, une alternative pour les producteurs laitiers des Hauts-de-France ?

Nouvel épisode dans la crise du lait. Depuis ce lundi, des éleveurs manifestent devant le siège de Lactalis, à Laval. En cause : le cours du lait, jugé trop bas. À Helfaut, Pierre Deldicque pose un regard particulier. Il y a six ans, il a troqué les pulvérisateurs chimiques et l’engrais contre une production bio.


Bio ou pas ? Pour Pierre Deldicque, le doute n’est pas permis. Ce producteur possède 70 vaches qui lui donnent 260 000 litres de lait par an. Depuis mai 2010, il a rejoint la filière biologique. L’Helfallois a opéré la bascule après une discussion avec un technicien de la chambre d’agriculture. « Je nourrissais mes vaches avec de l’herbe et du foin, se souvient-il. Il m’a dit : C’est dommage, tu peux produire bio. Je n’avais pas grand-chose à modifier… »

De nouvelles surfaces fourragères
Quelques produits sont donc bannis de son quotidien. « Tout ce qui est pulvérisateur chimique, c’est terminé. » Fini aussi l’engrais pour le foin. « J’en mettais un peu, mais jamais autant que mes collègues. » D’autres produits sont restreints, comme les antibiotiques. « C’est trois par an et par vache. » Autre contrainte : Pierre Deldicque doit maintenir une quantité d’herbe suffisante pour ses bêtes. Le producteur a donc dû réaménager ses terres. « Au lieu de mettre des céréales à certains endroits, j’ai ajouté des surfaces fourragères. »

Moqué lors de son passage au bio
La route vers le bio est semée de contraintes. Mais elle comporte des avantages non négligeables. La situation financière de Pierre Deldicque s’est améliorée. Logique : la production bio permet de réduire les coûts. « En diminuant un peu tout, on augmente la marge », ajoute Pierre Deldicque. Le cours du lait est aussi plus favorable à l’éleveur bio. « Il y a un équilibre entre l’offre et la demande. Avec les industriels, je n’ai pas à me plaindre. » L’Helfallois a été moqué quand il s’est converti au bio. Aujourd’hui, il pose un regard critique sur la crise du lait. « Ce n’est pas la quantité qui fait qu’on va s’en sortir, juge-t-il. Produire, tout le monde sait le faire. » Pierre Deldicque livre même quelques recommandations. « À court terme, il faut réduire la production de lait. Après, il faut réduire les charges. »

Bref, pour lui, le doute n’est plus permis. « J’aurais dû passer au bio avant. » Parole d’un convaincu.

En chiffres
5 : le Nord - Pas-de-Calais est la 5e région française laitière. En rajoutant la Picardie, les Hauts-de-France génèrent 10,5 % de la production nationale (source INSEE, DRAAF). 

2,6 : en 2014, les 7 000 exploitations du bassin Nord-Picardie (elles étaient 11 000 en 2000) ont livré 2,6 milliards de litres de lait à l’industrie.

53 : les exploitations laitières de la région comptent en moyenne 53 vaches, ce qui est assez proche de la moyenne nationale.

350 000 : ce sont 350 000 vaches laitières qui paissent dans ce grand bassin et occupent 741 000 ha de la surface agricole utile. 20 000 : au total, la filière représente 20 000 emplois dédiés à la production et à l’industrie agroalimentaire.

« La solution passe par les consommateurs »
Le blocage ce lundi du site de l’industriel Lactalis, à Laval, est emblématique de la crise récurrente du lait, accentuée par la fin des quotas laitiers en avril 2015. Un mouvement médiatique qui occulte aussi d’autres enjeux. « S’en prendre à un industriel privé ne règle rien, estime Jean-Louis Naveau, ancien président nordiste de l’OPL (Organisation des producteurs de lait). C’est aussi aux coopératives, aux mains des gros producteurs, de montrer l’exemple. »


« La crise est uniquement structurelle, explique pour sa part le bouillant Carol Bulcke, producteur dans l’Avesnois et délégué Nord de l’APLI (Association des producteurs indépendants de lait). Cela fait cinquante ans que l’on casse du paysan pour nous amener à faire des usines à vaches, dont ne veulent pas les consommateurs. Avec la contractualisation mise en place par l’ancien ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire, le droit à produire appartient à l’industriel. C’est lui qui détermine le prix, suivant le marché. Il nous est impossible de suivre. Aujourd’hui, on nous achète 24 centimes du litre, quand 35 centimes couvrent à peine les frais et que 40 centimes rémunèrent le paysan à hauteur du SMIC. Si l’on veut garder des paysans, il faut les rémunérer correctement. »

Pour Carol Bulcke, la solution passe par le consommateur. « Il faut que les consommateurs n’achètent que les produits qui rémunèrent correctement les paysans. » En 2012, 800 agriculteurs français (une cinquantaine dans notre région) ont créé leur propre société et marque « Faire France », rémunérés 34 centimes du litre auxquels s’ajoutent 10 centimes de la société. Aujourd’hui 400 000 litres de ce « lait équitable » sont écoulés dans la grande distribution. Une goutte, mais « si le consommateur le demande, d’autres suivront ».

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