dimanche 13 novembre 2016

Profession : agriculteur municipal


Salarier des maraîchers pour s’assurer d’une production locale : une nouvelle solution pour les collectivités ? Aujourd’hui, si les régies agricoles restent encore rares, les mairies redoublent d’inventivité pour favoriser l’installation des agriculteurs…


En 1976, Toulouse est pionnière. Sur de vastes terrains lui appartenant, la ville crée une régie municipale agricole… Autrement dit, une exploitation fonctionnant en régie, un mode de gestion d’un service public. Aujourd’hui, sur six blocs culturaux bien intégrés à la cité, une équipe salariée d’ agriculteurs municipaux est à l’œuvre : quatre ouvriers agricoles, un chef de culture et un régisseur.

« Au total, il y a 25 hectares de vignes et 226 hectares de grandes cultures (blé, orge…). Les céréales vont à la coopérative. Les lentilles sont utilisées à la cuisine centrale de la ville (6 tonnes par an, pour les 33 000 enfants des cantines scolaires !) tout comme le jus de raisin. Le vin sert pour les plats en sauce, les événements réalisés par la ville, pour faire des cadeaux… Et les bouteilles sont aussi vendues sur le domaine », explique Martine Susset, conseillère municipale déléguée en charge de l’environnement et maire de quartier à Toulouse. Après quelques années de conversion, l’exploitation est aujourd’hui 100 % certifiée bio, en grande partie pour « préserver l’environnement urbain ». En plus de valoriser un territoire, la régie agricole entend aussi accueillir ponctuellement le public et expérimenter de nouvelles techniques bio.


Une cantine bio et locale
Dans les Alpes-Maritimes, à Mouans-Sartoux, il y a aussi des agriculteurs communaux : deux employés travaillent à la régie municipale agricole, sur un domaine de 4 hectares. En 2014, 20 tonnes de légumes biologiques (50 variétés !) ont été livrées aux cantines de la ville, 21,3 tonnes en 2015 et déjà 18 tonnes fin septembre 2016. Actuellement, 90 % des légumes servis aux enfants des écoles viennent de la régie. L’objectif, c’est d’atteindre 100 %. Tout en menant des actions de sensibilisation à des démarches environnementales liées à l’agriculture !

Il existe de nombreux moyens pour les mairies, d’aider à l’installation et à la pérennisation d’exploitations agricoles.

Malgré ces succès, les cas de régies agricoles municipales restent rares en France. « C’est une bonne solution, mais pas encore dans la culture du pays. Il y a une certaine frilosité », explique Damien Roumet, chargé de mission mutualisation Installation/transmission et Collectivités territoriales chez Terre de liens (dont le rôle est de faciliter l’accès aux terres en impliquant divers acteurs). Il existe cependant bien d’autres moyens, pour les mairies, d’aider à l’installation et à la pérennisation d’exploitations agricoles. « Nous avons de plus en plus de sollicitations de collectivités locales. Même si le temps long nécessaire à la politique agricole et foncière ne correspond pas forcément au temps politique… Elles peuvent s’intéresser au sujet pour des raisons différentes : l’emploi, l’alimentation, la protection de la ressource en eau ou de la biodiversité, la préservation des paysages… Souvent, un autre levier mène aux questions agricoles », souligne Damien Roumet. Alors, quelles sont les actions possibles ?


Boîte à outils municipaux
« D’abord, les municipalités définissent les orientations du foncier sur le territoire et peuvent donc choisir de réserver des parcelles à l’activité agricole », souligne Damien Roumet. Et puis, « il y a aussi un ensemble d’actions consistant à faire un diagnostic foncier agricole, identifier les terres non utilisées, etc. ». Enfin, sans forcément créer une régie, les mairies, peuvent utiliser leurs propres terres ou en acquérir… Avec une idée derrière la tête. A Hantay, dans le Nord, un maraîcher a pu s’installer sur un terrain appartenant à la communauté urbaine. Hélène Mesurolle, adjointe au maire, raconte qu’ « un autre agriculteur s’est ensuite installé sur un terrain appartenant à la mairie, avec un bail rural. Nous cherchons ainsi à favoriser l’implantation et préserver l’esprit rural ».

C’est à peu de chose près ce qui s’est également passé à Quibou, dans la Manche. Antoine Desvages explique : « La mairie avait le projet d’installer un maraîcher bio pour approvisionner la cantine. Je cherchais à m’installer… J’ai donc rempli un dossier, nous nous sommes rencontrés et j’ai été retenu. La mairie a mis à ma disposition un terrain de 1,2 hectares, gratuitement la première année. Et j’ai acheté une parcelle qui était collée ce qui me fait 2,5 hectares en tout ». La municipalité a également financé l’installation des canalisations et d’un compteur au bord de la parcelle. Antoine livre désormais l’école de Quibou qui accueille deux classes maternelles, et une autre école du RPI (Regroupement pédagogique intercommunal). Ce qui représente finalement d’assez petites quantités (d’autant plus que les menus établis ne se limitent pas toujours aux produits de saison !) : le jeune maraîcher a donc bien d’autres débouchés pour ses plus de 120 variétés récoltées à l’année.


En réalité, les façons de faire sont nombreuses… A Ungersheim, dans le Haut-Rhin, 8 hectares de terres communales sont exploitées par une association d’insertion. Terre de Liens propose aussi, grâce à sa fondation, de faire des « montages public-privé de coacquisition ». Au final, qu’est-ce qui marche le mieux ? « C’est vraiment en fonction du projet de la collectivité. Il n’y a pas de recette miracle ! », dit Damien Roumet. Mais il l’affirme : cet engagement local est possible, « et ça marche ! ».

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