samedi 2 avril 2016

A Lausanne, le tri porteur

Imposer un sac-poubelle à un tarif prohibitif, c’est la méthode retenue par la Suisse pour pousser ses citoyens à trier. Et ça marche : 40 % de déchets en moins en trois ans dans le canton de Vaud.


Au bord du lac Léman, rares sont les Lausannois qui se risquent à jeter un sac-poubelle uniformément noir dans un conteneur. C’est un geste interdit ! En cas d’infraction, les amendes peuvent aller jusqu’à 500 francs suisses (environ 460 euros).
Pour se débarrasser des ordures, les habitants doivent acheter des sacs taxés, plutôt cher : 2 francs (1,80 euro) pour le modèle le plus courant, 35 litres. Parfaitement reconnaissables, avec leur ficelle vert clair, leur fond blanc et leur slogan en majuscules (« Trier c’est… valoriser »), ils ont fait leur apparition dans la région début 2013 et, aujourd’hui, 90 % des 318 communes du canton de Vaud les utilisent. Le canton a été le dernier en date à mettre en place cette taxe afin de respecter le principe du « pollueur-payeur » mentionné dans la loi fédérale sur la protection de l’environnement.
Le système est simple : le prix prohibitif des sacs-poubelles incite les citoyens à les remplir le moins possible, en recyclant à part compost, papier, verre, aluminium, plastique, etc. La Suisse allemande, à la fibre plus écologique, est rompue à l’exercice depuis des années – Zurich l’a notamment mis en place dès 1993. Mais en Suisse romande, la mesure a été plus longue à instaurer. Le canton de Genève est le tout dernier réfractaire, tandis que le Valais a prévu de se lancer début 2018.

Inertie des industriels et distributeurs
« En trois ans, le nombre de déchets a diminué de 40 % en moyenne », explique Jean-Daniel Lüthi, maître d’œuvre de la taxe au sac dans le Vaudois. « La baisse est plus marquée dans les campagnes, où il est plus facile d’accéder à une déchetterie pour y déposer son papier, son verre, etc. », précise cet ingénieur, élu municipal de Bussigny. Le taux de recyclage est, lui, passé de 43 % à 57 %, c’est-à-dire que les habitants font plus d’efforts pour séparer leurs ordures par catégories, même si les erreurs sont plus nombreuses qu’avant. Certains ne prennent par exemple pas la peine d’enlever le plastique qui couvre certains journaux avant de les jeter.
Du côté des industriels et des distributeurs, en revanche, « rien ne bouge », selon Jean-Daniel Lüthi. « En dehors de certains gels douche qui se vendent par recharges, les fabricants n’ont pas réduit la taille des emballages. » Les citoyens, eux, jouent plutôt le jeu, ajoute le coordinateur vaudois. « A part quelques hurluberlus qui vont encore déposer leurs sacs dans des poubelles publiques en prenant garde de ne pas laisser leur nom à l’intérieur pour ne pas être retrouvés par la police, le nombre d’infractions est en baisse », indique-t-il. Mais pour ce spécialiste, il faudra encore quelques années pour que la taxe au sac entre dans les mœurs, « les mentalités ne changent pas en quelques mois ». Et malgré ces efforts en matière de recyclage, la Suisse reste le deuxième plus grand producteur de déchets en Europe, après le Danemark, avec 730 kg d’ordures par habitant en 2014.

LE MONDE | 01.04.2016 à 19h13 | Par Marie Maurisse (Genève, correspondance) En savoir plus sur lemonde.fr

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