A peine quatre mois après la signature de l’Accord de Paris sur le climat à l’issue de la COP21, les problématiques environnementales n’ont pas fondamentalement progressé dans la conscience des Français. L’étude annuelle (depuis six ans) du Commissariat général au développement durable (CGDD), « Opinions et pratiques environnementales des Français en 2015 », parue le 8 avril, indique que la « sensibilité à l’environnement » est en léger recul. Selon cette note, réalisée après l’enquête mensuelle de l’Insee de novembre 2015 auprès de 1 800 personnes, la note moyenne de sensibilité (évaluée par les sondés eux-mêmes) est de 5,32 sur une échelle de 1 à 7, alors qu’elle était de 5,42 en 2013 et de 5,55 en 2011.
Cette baisse surprend si l’on considère la couverture importante des questions environnementales et climatiques par les médias à l’occasion de la COP21. « Cela peut paraître assez paradoxal, mais le résultat n’est pas très positif, comme si, avec la COP, il y avait un effet contraire, un “on en ferait un peu trop avec l’environnement”, comme une réponse à contre-courant », explique Eric Pautard, sociologue et auteur de la note du CGDD.
Plus étonnant, les moins de 25 ans et les 25-39 ans sont les moins sensibles avec respectivement des notes de 4,72 et 5,08. « Cela fait trois à quatre ans que l’on observe cette tendance chez les jeunes, alors que le public des moins de 30 ans était généralement plus en avance sur les enjeux sociaux et environnementaux », avance Eric Pautard.
Réchauffement et pollution de l’air
Si la conscience globale régresse ou stagne, les questions climatiques et de pollution de l’air continuent d’occuper les deux premières places au classement des préoccupations, 26 et 25 % des personnes interrogées les citant en premier ; suivent les catastrophes naturelles (inondations, tempêtes, feux de forêts…) à 18 %, la pollution de l’eau à 10 %. Viennent ensuite l’augmentation des déchets, la disparition de certaines espèces ou la pollution sonore.
A l’échelle du quartier, le bruit devient le deuxième problème cité (18 %), à égalité avec le manque de transports en commun. Alors que les tendances montrent une stabilité du poids respectif de chaque problème ces dernières années, il faut noter une progression significative – + 4 points en un an – de la pollution de l’air. Mais, selon l’étude, près du tiers des personnes interrogées ne déclare « aucun désagrément » lié aux questions environnementales.
Les comportements tardent à changer
Le détail de l’étude recèle d’autres surprises, concernant les pratiques environnementales. Au chapitre de la sobriété énergétique, les Français continuent de diminuer le chauffage ou la climatisation « afin de limiter la consommation ». 73 % des sondés affirment les baisser « toujours » ou « souvent », un pourcentage quasiment égal les dernières années.
« Il n’en va pas de même concernant la veille des appareils électroniques », remarque le CGDD. Alors que 53 % des personnes interrogées déclaraient les éteindre systématiquement en 2009, ils ne sont plus que 38 % en 2014. « C’est dramatique, le nombre de personnes qui disent ne jamais éteindre les appareils électriques a quasiment doublé en cinq ans, de 9 à 17 %, s’inquiète Eric Pautard. Il est possible qu’il y ait un désinvestissement sur les petits gestes, lié aux faibles gains générés. » Autre explication avancée par le sociologue, les campagnes pour informer et sensibiliser sur ces actes modestes du quotidien seraient moins nombreuses dans les médias.
La recherche d’économies reste le principal moteur de la conversion aux pratiques écologistes. Pour « acheter davantage de produits respectueux de l’environnement », 44 % des Français veulent « être certain [s] qu’ils ne coûtent pas plus cher », 18 % être mieux informés sur leurs particularités, 15 % « disposer d’un choix plus large de produits de ce type » et 14 % les repérer plus facilement.
Une consommation bio marquée socialement
Sur le bio, le constat du CGDD n’est pas non plus très encourageant. Si, en 2014, la proportion de Français déclarant avoir récemment acheté un produit issu de l’agriculture biologique avait progressé de 3 points pour atteindre 46 %, contre 33 % en 2008 – un phénomène confirmé par le Baromètre de consommation et de perception des produits biologiques en France –, l’achat de tels produits recule désormais, souligne le CGDD. Là encore, les jeunes seraient responsables. « Les trentenaires étaient en effet 63 % à déclarer consommer des produits écolabelisés en 2011, et ne sont plus qu’un sur deux en 2014 », écrit l’auteur de la note.
La consommation bio reste l’apanage des revenus les plus importants. En 2015, 64 % des cadres ont indiqué avoir acheté des produits bio au cours du mois écoulé, contre 36 % des ouvriers. Une enquête exclusive du CGDD sur les pratiques environnementales des Français (réalisée en mars 2016 auprès de 4 258 ménages), qui doit être publiée d’ici l’été et dont Le Monde a consulté certains éléments, montre clairement cet écart social dans la consommation bio. Ainsi, 35 % des ménages gagnant plus de 3 000 euros par mois déclarent acheter fréquemment du bio, contre 24 % des ménages à moins de 1 400 euros. Pour l’achat fréquent de viandes et poissons bio, le pourcentage est de 24 % pour les plus aisés et 18 % pour les plus modestes, 42 % et 30 % s’agissant des œufs et du lait bio.
Doutes à l’égard des entreprises
D’autres éléments comme la provenance des produits, la distance qu’ils parcourent ou la quantité de déchets qu’ils génèrent, sont aussi des critères jugés moins pertinents que les années passées. Enfin, s’agissant de la protection de l’environnement, 49 % des Français pensent que les pouvoirs publics devraient agir en priorité, 28 % estiment que la responsabilité incombe aux entreprises (+ 5 points depuis 2012) et 19 % aux ménages. « Cela indique une volonté que les entreprises s’engagent plus sur ce front, qu’il y a un vrai doute à leur égard quant à leurs démarches environnementales », indique Eric Pautard.
En savoir plus...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire